Pascal Prugna

[OSEF] Bosser pour un égocentrique pervers narcissique – Episode II

Evil Mr. Burns

La série OSEF est une série d’articles où je parle librement et où je dis des trucs dont tout le monde se fout. Peut-être.

Cet article est la suite de [OSEF] Bosser pour un égocentrique pervers narcissique – Episode I. Désolé pour la longueur de l’article mais il y avait encore beaucoup à dire et même après celui-là il en reste.

Ça fait un mois que je bosses là-bas, mon projet avance plutôt bien même s’il a fallu sacrifier quelques méthodologies, profaner quelques standards et bonnes pratiques de développement à cause des contraintes du code et des tables SQL legacies. Quoiqu’il arrive, je pense tenir la deadline.

Il m’arrive de temps à autres d’assister à une conversation entre le boss et l’autre développeur, qui lui travail sur le vrai projet qui ramène des tunes. En gros, il lui dit ce qu’il faut faire et comment il faut le faire. Si le développeur a le malheur de dire qu’il fait autrement on part directement sur une guerre d’égo qui se finit souvent sur la capitulation du développeur parce qu’il a la « flemme de se prendre la tête ». Logique vu la détermination du boss. Je comprends ce qu’il m’attend quand je passerais sur le projet principal. Le problème c’est que le développeur a envie de changement et refactoriser un code qui en aurait bien besoin mais le boss ne veut pas le laisser faire de peur de ne plus comprendre le code. Ce qu’il faut savoir c’est que l’application a été créée par le boss avec ce qu’il savait faire à l’époque en PHP très loin des standards actuels et que sa veille était loin d’être au point. Ça aussi c’est logique, c’est le patron et il a plus le temps de faire ce genre de chose. Là où je veux en venir c’est qu’il a embauché deux devs avec une expertise bien précise pour pallier à ce manque mais il leur lâche pas la bride pour qu’ils fassent leur taf. Donc en 2016-2018, on se retrouve à taffer sur PHP 5.5 avec des standards et une façon de coder de 2010 pour que le boss puisse continuer d’intervenir dessus. Je reviendrais sur ce sujet plus tard dans cet article ou une suite.

Appels tardifs

On est en Septembre, un stagiaire d’une formation de développement est arrivé dans l’entreprise, je rends le projet du back office (avec un peu de retard, pas cool) pour enfin rentrer dans le grand bain. Je commence à toucher à l’application, oui celle qui ramène des tunes à la boite, vous suivez bien. Je commence à gagner en responsabilités, je suis content. Sauf que.
Sauf que je suis encore en CDD, j’ai pas forcément un pouvoir de décision sur le sujet ni l’ascendant des négociations et il est pas rare que je fasse des compromis pour rester dans le game et crédible aux yeux du boss notamment au niveau des horaires, je vous en parlais dans l’article précédent. Le boss il sait qu’il me tient par les couilles et il hésitera pas à en jouer. Du coup, quand c’est la merde et qu’il arrive pas à joindre l’autre dev (qu’on appellera « Lead dev » pour la suite), il est pas rare qu’il me passe des coups de fils tard le soir et les week-end voire les deux en même temps. Au début, je répondais pas mais quand j’ai capté que j’avais le droit à des reproches parce que je lui avais pas répondu, j’ai vite pensé que ça pouvait me couter ma place et donc une potentielle carrière qui n’était qu’un rêve il y a quelques semaines. Donc là je vois bien tous les juristes et les inspecteurs du travail qui se tapent des barres parce que c’est illégal et que j’aurais pu me plaindre, je sais tout ça mais je le re-dis, à mes yeux, c’est un peu la seule chance que j’ai de devenir professionnel et faire le taf dont je rêve. Donc je prends sur moi et je réponds au téléphone quand il m’appelle. La plupart du temps c’est parce qu’il y a un truc qui est pété donc je répare, ça me pose pas de problème. Heureusement, le boss sait que c’est chaud et il me filera quand même une heure sup’ payée dans ces cas là. En revanche, pour tous les dépassements qu’on fait quand il gratte sur notre pause du midi et le soir avant qu’on parte, on aura pas vu une pièce parce que je cite « Je veux pas de fonctionnaires, vous partez pas pile-poil à 18h en laissant tout en plan ».

Congés, week-ends et jours fériés

Ça fait maintenant quelques mois que je bosse là-bas et systématiquement quand on rentre de week-end ou qu’on a un week-end de trois jours grâce a un jour férié on avait le droit à la fameuse remarque « Ça va, vous avait bien profité de votre week-end ? ». La phrase en elle-même, j’ai conscience qu’elle a l’air bienveillante sauf que vous avez pas l’air hautain et le ton méprisant qui va avec. Donc forcément on lui répond la plupart du temps que ouais ça va et si on a le malheur de s’étendre trop, il nous coupe la parole pour nous dire que lui non, il a passé un week-end de merde à se prendre la tête sur l’application ou à répondre à des tickets sur le support. Sinon, si ça allait bien c’est qu’il avait fait un coaching intensif avec Jean-Michel Random (qui lui a pris 15 000 balles pour un week-end mais j’y reviendrais plus tard) ou un délire mystico-énergétique avec des chamans qui lui a fait vivre « une renaissance ».

En gros, le gars en avait rien à foutre de ce qu’on racontait mais il fallait être attentif à ce que lui disait. Ambiance.
La veille du week-end, c’est un peu la fête dans tous les tafs du monde. Tout le monde est pressé de se barrer, s’amuser et se reposer. Pendant ce temps, nous on est pris en otage par le boss qui veut nous garder le plus longtemps possible avant de nous relâcher. Quand il estimait qu’on pouvait se casser, il nous lâchait une phrase qui deviendra culte entre employés : « C’est bon vous avez mérité de partir en week-end ». Les gars de l’inspection du travail, on vous voit vous marrer.
Quand j’ai commencé à demander mes premiers congés, j’ai eu le droit à la phrase « Tes congés tu les as mérité ? ». Je repense tendrement à toutes les personnes qui se sont battues pour les droits du travail en France quand j’entends ça. Mais je dis rien, je suis toujours en CDD.

Le marathon

J’arrive à la fin de mon premier CDD de 6 mois, le boss planifie un entretien de fin de contrat, je commence à trembler violent. Pour l’instant, il y a trois issues possible :

  • pointer chez Pole Emploi,
  • mon CDD est renouvelé,
  • je passe en CDI.

Le suspens est à son comble, l’issue incertaine.
Ce que vous devez savoir, c’est que j’ai fait une sombre connerie digne d’un QI négatif quelques semaines avant. Du coup, j’ai pas eu mon CDI mais il m’a tout de même renouvelé mon CDD de 6 mois à nouveau. C’est sympa, il me pardonne l’erreur. Sauf que (again).
Sauf que le bougre accentue son emprise de droit de vie ou de mort sur ma carrière. Il hésite pas à me faire culpabiliser en me rappelant qu’il en a l’occasion que j’ai fait une connerie. Conséquences, mes horaires et les deadlines ne veulent plus rien dire, la fréquence des appels hors horaires aussi. Je commence à perdre pied. Ça joue sur mon moral.
Je vois de moins en moins de monde parce que j’ai pas le temps, mes loisirs en souffrent aussi mais je fais bonne figure. Jusque là je tiens le coup.

Maintenir l’illusion

Un jour, je lui parle du fait qu’il m’avait promis un salaire évolutif pendant l’entretien d’embauche. Il me répond qu’il me paye en fonction de mes compétences et de mon diplôme. Pourtant, j’avais le même diplôme lors de l’entretien et je n’ai pas cessé de me former pour améliorer mes compétences et l’application. À cette entretien, il me sort une analogie du futur qui concerne le stagiaire – qui est passé en CDD depuis. L’analogie en question c’était : « Tu vois lui c’est une vieille Clio, il est à 130km/h. Je sais qu’il donnera pas plus parce que ça reste une Clio, il est au max. Toi, t’es une Lamborghini mais tu te traines à 130 comme la Clio alors que tu peux aller beaucoup plus vite. ».
Il a fait une autre métaphore à propos d’une bouteille et de ce qu’elle est capable de contenir.
En fait, cette histoire d’augmentation évolutive c’était du bullshit depuis le début et il n’a fait que maintenir l’illusion.
Finalement, il a daigné m’octroyer une augmentation. Il ne me dira pas de combien directement, juste que ce sera visible sur ma prochaine fiche de paie. Je suis donc passé de 1300 à 1400 pour mon deuxième CDD. C’est loin des 1600 promis mais c’est déjà ça. Sauf que (again again).
Sauf qu’il m’annonce qu’il va m’en demander plus pour que ce soit rentable pour lui.

C’est la douche froide. C’est un peu le dernier couteau dans le dos qui me fait vriller. Je suis à genoux. Je sais très bien que ce CDD c’est la dernière chance et que j’ai une chance sur deux d’aller pointer chez Pole Emploi à l’issue de ce contrat. Je taffe comme un porc, je fais des 9h-21h pour respecter les deadlines foireuses, je me forme sur mon temps libre, mes relations personnelles en pâtissent et se dégradent à vue d’œil. Je me prends la tête continuellement avec ma femme qui me soutient pourtant depuis le début de cette histoire. Je commence mon burn-out.

A suivre …

Je vais m’arrêter là pour ce second épisode. Il reste pourtant beaucoup à dire et je vais tenter de vous expliquer comment vous sortir de cette merde qu’est le burn-out. J’ai conscience que c’est pas forcément valable pour tout le monde mais peut-être que ça vous aidera.

A ce stade vous pensez surement que l’auteur de cet article est une sombre couille molle victimisée et que j’aurais dû sortir les crocs direct. Je pense que vous avez bien compris que j’étais pas loin de la prostitution pour maintenir une possibilité de carrière (c’est une blague, je rigole … à moins que …) mais j’ai fait pas mal de concessions, notamment sur mon honneur, c’est vrai.

Dans les prochains articles, je vous raconterai aussi comment j’ai retourné le truc à mon avantage et comment j’ai fini par gagner le salaire qui m’était promis après m’être remis de cette mini-dépression. Spoiler : J’étais bien entouré.

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